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Épisode 5 : La rencontre décisive

 

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Feuilleton uchronique

 

La Louisiane n’est pas à vendre :

 

Épisode 5 : La rencontre décisive

 

Charbonneau et Cabrera s’entendaient à merveille. Le coureur des bois n’hésita pas à entreprendre les menus travaux que Cabrera négligeait. Cela permettait à Toussaint de réduire son dû. Un soir, alors qu’ils finissaient leur verre de gnôle, Dubernard poussa la porte de la gargote. C’était la première fois qu’un personnage de cette importance en franchissait le seuil.

- Merci de vous être déplacé, monsieur Dubernard.

- Quand il s’agit d’une affaire d’importance, je ne m’interdis rien.

Charbonneau se gratta la chevelure et la barbe, il ne voyait pas en quoi l’ouverture d’une modeste boutique était une affaire d’importance.

- Vous êtes Toussaint Charbonneau ?

- Oui, c’est moi qui veut ouvrir une boutique.

- Bonne initiative, on manque d’hommes entreprenants ici. Mais, je ne suis pas venu vous voir pour ça.

Dubernard jeta quelques pièces sur le comptoir en guise de dédommagement.

- Suivez-moi, Toussaint, ce que j’ai à vous dire doit rester entre nous.

Les deux hommes sortirent et s’éloignèrent de quelques mètres. Dubernard ne cessait de jeter des regards inquiets aux alentours. Finalement, ils s’installèrent à même le sol, à l’abri d’un vieux chêne recouvert de mousse espagnole[1].

- Pourquoi tant de mystère, monsieur Dubernard ?

- J’ai une mission à vous confier.

- Mais, je ne suis qu’un pauvre trappeur.

- Ne vous mésestimez pas mon ami. On murmure que vous êtes un de ceux qui connaît le mieux les mœurs des Peaux Rouges.

- J’en ai même épousé une. Elle parle plusieurs de leurs langues.

- Vous aimez les Yankees ?

Toussaint faillit répondre que tant qu’on le laissait commercer à sa guise, il ne détestait personne.

Cependant, au vu de l’importance qu’il accordait au personnage, il prit le temps de la réflexion.

- J’ ai pas de haine envers eux, mais j’oublie comment ils traitent ceux qu’ils nomment les Sauvages.

- Vous n’avez donc pas envie de vivre sous leur férule.

- Non.

- Je suppose que vous savez que le territoire sur lequel vous vivez appartient au roi d’Espagne.

- Oui, bien sûr.

Dubernard expliqua en quelques mots la situation dans laquelle allait se trouver la Louisiane et les projets de ses amis. Toussaint répondit en quelques mots.

- Bref, vous voulez que je ramène une armée d’Indiens pour prendre d’assaut les navires et tenir en respect les Espagnols s’ils venaient à se mêler de ce qui ne les regarde pas.

- Vous avez bien résumé Toussaint.

- Vous êtes remonté jusqu’où, en suivant le Mississipi, monsieur Dubernard ?

- Natchez, mes affaires ne m’appelaient au-delà.

- La tribu d’où on vient est installée à plusieurs centaines de kilomètres en amont. De plus, les Gros Ventres sont plutôt pacifiques et de piètres guerriers. Les Shoshones seraient de meilleures recrues, mais ils sont aussi loin.

- Vous ne connaissez pas de tribus plus près de nous ?

- Moi, je suis du pays de l’Illinois. Avant de m’embarquer pour la Nouvelle-Orleans, le point le plus au sud que j’avais atteint était guère loin de Saint-Louis. Cependant, je pense pouvoir vous aider. Ma femme est pas une pure Shoshone. Sa mère était une Quawpe, capturée par les Kaws et vendue aux Shoshone. Elle parle le Quawpe.

- Vous pensez pouvoir réunir combien d’hommes ?

- Pas loin d’une centaine. Qu’est-ce ce que je gagne en échange ?

- Nous pouvons vous concéder le monopole du commerce de peaux sur une partie du territoire, de bonnes portions de terres à cultiver.

- Pour l’instant, vous me payez avec du vent. Vous n’avez rien de tout ça.

- Que voulez-vous ? Une somme d’argent en gage de bonne foi ?

- Peut-être, mais je veux surtout d’autres garanties.

- Je vous écoute.

- Tout ce qu’on dira sera mis par écrit chez un notaire. Nous serons obligés d’emmener Sacagawea. S’il devait nous arriver malheur, je veux pas que mes garçons manquent de quelque chose. Aussi, je veux que vous vous engagiez à leur verser une rente convenable pour les quinze ans qui viennent. Enfin, quelle que soit la situation, je veux que Teddy et Freddy soient instruits comme des hommes de biens, notaires ou avocats. C’est pour ça que je suis venu ici. Je voulais pas qu’ils vivent comme moi. Je veux par-dessus tout qu’on arrête de les regarder comme des petits sauvages.

- Je ne vois là rien d’impossible. Cependant, il faut que j’en réfère au marquis de Boisdevant.

- Je partirai pas sans l’avoir rencontré. Il faudra mettre au point le traité avec les Indiens et surtout le respecter. A leurs yeux, ce sera Sacagawea et moi les garants de l’accord. Il est possible qu’ils nous gardent en otages jusqu’à ce que l’affaire soit close.

- Très bien, je vous ferai prévenir du jour et de l’heure du rendez-vous avec le marquis. D’ici là, pas un mot à quiconque, sauf à votre épouse, si elle doit être du voyage.

 

[1] La mousse espagnole, également connue sous le nom de Tillandsia Usneoides, est une plante étonnante qui ressemble à des fils verts filandreux qui pendent des arbres. Bien qu'elle ressemble à de la mousse, elle appartient en fait à la famille des Tillandsia et n'est pas une mousse.

 

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12/03/2024
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