Le Guide de l'Uchronie
Le Guide de l'uchronie
Karine GOBLED, Bertrand CAMPEIS
ACTUSF
352pp - 10,00
Et si... ?
Et si Christophe Colomb n'avait jamais découvert l'Amérique ?
Et si les nazis avaient remporté la Seconde Guerre mondiale ?
L’uchronie joue avec l’histoire pour créer des réalités différentes, explorant des possibilités infinies.
Est-ce là l’expression d’une simple nostalgie rêveuse d’un passé jamais advenu ou une arme de réflexion philosophique ?
Bernard Campeis et Karine Gobled, par ailleurs membres du jury du prix ActuSF de l’uchronie, ont dépouillé un vaste corpus d’œuvres relevant de l’histoire alternative. Ne dédaignant aucune de ses manifestations, ils ont opéré une sélection sans chercher à être exhaustifs parmi les romans, les essais, les revues, la bande dessinée et les autres médias. Un travail salutaire, précieux pour le néophyte, mais dans lequel le connaisseur trouvera matière à réflexion. Car si l’ouvrage se veut d’un usage pratique, comme une sorte de vade-mecum, il se révèle également didactique. Les auteurs proposent en effet une alternative aux essais de Eric B. Henriet, lui-même préfacier de l’ouvrage, faisant œuvre de pédagogues sur des questions théoriques et historiographiques, sans omettre des sujets plus délicats comme les diverses déclinaisons de l’exercice et ses relations avec les autres fictions, l’Histoire et le révisionnisme. Quelques entretiens avec des acteurs de l’uchronie et un historien viennent enrichir le guide, apportant un éclairage supplémentaire au travail des auteurs. L’ouvrage peut par ailleurs s’enorgueillir de notices bien conçues, résumant sans trop dévoiler les œuvres sélectionnées. Elles comportent un bref commentaire et aiguillent le curieux vers d’autres pistes de lecture. On regrettera juste l’absence d’index, compensé il est vrai par un sommaire et le classement alphabétique des titres.
Comme le rappelle l’introduction, si les faits historiques connus demeurent intangibles, leur interprétation peut faire l’objet d’amendements et de débats, parfois féroces, l’Histoire étant à bien des égards un sport de combat. De nouvelles sources, une grille de lecture différente ou le recours à d’autres outils conceptuels peuvent conduire l’historien à modifier sa vision du passé. La démarche paraît profitable lorsqu’elle ne sert pas des enjeux idéologiques. Cependant, en empruntant les outils de l’historien, on peut appliquer le même raisonnement avec l’uchronie et ainsi émettre quelques réserves devant l’annexion au genre d’œuvres hybrides, comme par exemple l’uchronie fantastique et de fantasy. Réécriture de l’Histoire à partir d’une ou plusieurs divergences, l’histoire alternative doit respecter un minimum la rationalité. L’intrusion d’un élément surnaturel ou emprunté à la mythologie semble rompre le pacte établi avec le lecteur féru d’Histoire. Sur ce point, Xavier Mauméjean propose une échappatoire satisfaisante, du moins suffisamment argumenté pour vaincre les réticences. Autre point à discussion, le steampunk et les autres fantaisies historiques relèvent davantage d’un jeu avec la fiction, ses codes et ses stéréotypes, que d’un jeu avec l’Histoire. Un plaisir régressif plutôt qu’un exercice intellectuel, même si certains auteurs ont su joliment tirer leur épingle du jeu. Aussi, préférons-nous nous en tenir à la proposition de Eric B. Henriet, qui classe l’exercice en deux catégories : l’uchronie pure et les récits à caractère uchronique. Comme quoi, à trop vouloir rentrer dans les détails, on finit par rencontrer l’avocat du Diable…
En dépit de ce léger bémol, Le Guide de l’uchronie semble une opportunité à saisir pour l’amateur d’Histoire alternative. Avec cet ouvrage, Bernard Campeis et Karine Gobled remplissent pleinement leur rôle, celui de passeurs attachés à partager leur passion. Bref, vous l’aurez compris, il n’existe guère d’autres alternatives que celle d’acquérir ce petit guide bien pratique.
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