Épisode 7 : Le grand soir est arrivé.
Feuilleton Uchronique
La Louisiane n’est pas à vendre.
Épisode 7 : Le grand soir est arrivé.
Bien avant que les Américains aient quitté le territoire de la République, deux navires avaient levé l’ancre du port de Brest. On était le 30 janvier 1803 et Pierre Clément de Laussat, préfet de Louisiane depuis six mois, était impatient de rejoindre son nouveau territoire. Il se voyait déjà régner sur une contrée qui allait des Grands Lacs au golf du Mexique, des Montagnes Rocheuses aux Appalaches. Cette immensité n’était que pauvrement peuplée de tribus indiennes, d’Acadiens chassés de la Nouvelle France, de quelques colons audacieux, de trappeurs et de coureurs des bois ainsi que d’esclaves noirs. Personne n’avait jugé utile de l’informer qu’une transaction avait été discutée avec les Yankees, pas davantage qu’elle avait été annulée. Noble défroqué, il avait rempli toutes les obligations qui lui avaient permis de devenir un citoyen irréprochable. S’il parvenait à s’entendre avec les Créoles, il pouvait mener une vie royale. Plus le navire approchait de l’Amérique et plus il se laissait envahir par les souvenirs d’enfance. Les soirées avec son grand-père qui lui racontait inlassablement l’histoire des Laussat, longue lignée de commerçants, regardant avec envie les privilèges de la noblesse. En 1766, la famille Laussat achète le château et la terre noble de Bernadets. Les Laussat complètent leur patrimoine avec l’achat de la seigneurie de Maucor et de l’abbaye laïque de Saint-Castin. Ils deviennent ainsi seigneur de Bernadets, de Maucor et abbé laïque de Saint-Castin. Le grand-père parlait avec nostalgie du temps d’avant. Pierre Clément n’avait aucune nostalgie de ce temps. La Révolution avait à peine entamé son ascension vers les plus hautes fonctions administratives. Il avait longuement intrigué pour parvenir à ses fins. Il savait d’ores et déjà qu’il occuperait le palais du Cabildo. L’éducation de ses trois filles le préoccupait un peu. Allait-il trouver en Louisiane les professeurs de lettres, de chant et de danse indispensables à en faire des jeunes filles de bonne famille. Les aristocrates ne manquaient pas en Louisiane. C’est pour cela qu’il n’était pas inquiet pour leur mariage, d’autant que les revenus de ses hautes fonctions lui permettraient de payer facilement les dots. Sa seule vraie inquiétude familiale était de ne pas avoir d’héritier mâle. Car maintenant, il pouvait penser à fonder une lignée de grands administrateurs qui règneraient sur la Louisiane, réalisant ainsi les rêves du grand-père. Pierre Clément arriva à la Nouvelle-Orleans en mars 1803. Il s’était préparé à une résistance au moins symbolique des Espagnols, voire à de légers combats qui lui auraient permis de s’orner de quelques parcelles de gloire. Mais les Espagnols n’avaient guère manifesté d’émotions. Ils s’étaient habitués à vivre avec les Français s’accommodant de lois que personne ne songeait à appliquer. Français et Espagnols priaient, commerçaient, faisaient la fête ensemble. Personne ne s’étonnait de voir construire dans le Vieux Carré français dessiné au cordeau par Adrien de Pauge en 1721, des maisons de briques à balcons de fer forgé, comme à Séville ou Grenade. Au bout de quelques semaines, Laussat comprit que ces citoyens quelles que fussent leur nationalité, leur origine, se voulaient avant tout Louisianais. Les autorités espagnoles, incarnées par un parfait hidalgo, le gouverneur Juan Manuel de Salcedo, avaient offert aux époux Laussat une grande réception. En retour, le préfet colonial, avait donné un dîner d’arrivée de quatre cent cinquante couverts. Les invités avaient vidé force bouteilles de vin de Madère, de Malaga et de Champagne. On avait porté des toasts au premier Consul, au roi d’Espagne. Les canons du fort Saint-Charles avaient tonné après chaque toast.
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